Candidats en position de force : comment les entreprises s’adaptent aux nouvelles règles du marché du travail

Pour répondre aux tensions de recrutement, les employeurs font des propositions de plus en plus individualisées aux candidats.

Comment attirer et fidéliser des candidats exigeants et imprévisibles ?
Comment attirer et fidéliser des candidats exigeants et imprévisibles ? © HBS/stock adobe.com

Le phénomène n’est pas nouveau : sur le marché de l’emploi, le rapport de force s’est nettement inversé au profit des candidats. En témoignent les difficultés de recrutement qui s’accroissent. Selon le livre blanc de The Boson Project, « Le monde d’après aura lieu », paru en novembre*, 86,3% des dirigeants peinent à embaucher de la main-d’œuvre.

Si la balle est aujourd’hui clairement dans le camp des salariés, c’est que le monde du travail est traversé par de profondes mutations, accélérées par la reprise économique post-Covid et la multiplication des mobilités professionnelles. La situation française n’a rien de comparable avec la Grande Démission américaine, mais le taux de démissions n’avait pas été aussi élevé dans l’Hexagone depuis la crise des subprimes, en 2008 !

Des candidats exigeants et imprévisibles

Ces nombreux mouvements créent des opportunités pour les personnes en quête de nouveaux horizons professionnels, qui n’hésitent pas à tirer profit de ce contexte tendu pour renégocier les termes de leurs contrats : conditions de travail, rémunération, avantages…

Les candidats sont de mieux en mieux informés (sur les salaires pratiqués, sur les entreprises dans lesquelles ils postulent…), mais aussi de plus en plus imprévisibles, comme le relate ce dirigeant, interrogé par The Boson Project : « Le comportement des candidats dans les processus de recrutement est limite. Ils ne préviennent pas quand ils ne viennent pas et utilisent nos propositions salariales pour faire monter les enchères. »

Conjuguer aspirations individuelles et règles collectives

Dans un contexte où près de deux tiers des dirigeants jugent que la fidélité des collaborateurs à l’entreprise n’existe plus et que le rapport au travail est de plus en plus individualiste, le top 3 des défis pour les entreprises, demain, est le suivant :

  • Concilier des aspirations individuelles plus affirmées avec les règles collectives de l’entreprise
  • Imaginer d’autres manières de travailler (lieux, modes, temps de travail)
  • Relever les défis économiques et sociaux de court terme sans trahir l’ambition de long terme.

Pour relever ces challenges, les dirigeants entendent associer les équipes aux réflexions en cours en se montrant encore davantage à l’écoute de leurs propositions que par le passé. L’intelligence collective, la négociation et la recherche d’un consensus sont, d’après eux, les ingrédients nécessaires pour mettre en place les solutions qui conviennent au plus grand nombre.

Flexibilité et rémunération : deux armes de poids

Pour renforcer leur attractivité et fidéliser leurs talents, les leviers privilégiés par la direction des entreprises sont :

  • À 66% des conditions de travail plus flexibles, avec notamment une extension de la politique de télétravail (plus de jours, plus de salariés concernés…), ou une réorganisation des temps de travail (moins de week-ends travaillés, semaine de quatre jours, congé de respiration…)
  • À 50,5% la sortie de leurs grilles de salaires habituelles
  • À 43,1% une révision du processus de recrutement et une redéfinition de la marque employeur
  • À 40,1% un parcours collaborateur repensé pour les projeter sur le long terme.

Il est intéressant de noter que, pour faire face à l’urgence, les entreprises privilégient les pistes de court terme et le sur-mesure pour appâter les candidats.

Comment engager sur le long terme ?

Ce qui conduit les auteurs de l’étude à se poser cette question : « Peut-on engager sur le long terme par le seul moyen de la promesse individuelle ? »

Selon eux, la logique de réponse immédiate et individuelle présente quatre écueils majeurs que les entreprises doivent garder à l’esprit :

  • Quel modèle d’entreprise pour faire société, créer un collectif, à partir de « deals » individualisés ? Comment faire vivre des valeurs d’entraide et de solidarité à l’heure de l’individualisme ?
  • Quel accompagnement pour les managers, garants du respect de ces pactes individuels variés ?
  • Quelle transmission de savoirs et de savoir-faire si le taux de turnover est élevé ?
  • Quel rôle social pour l’entreprise si on ne se voit que quelques jours par mois, voire encore moins souvent ?

Autant de questions qui laissent présager que 2023 verra germer de nouveaux modèles de travail.

*Ce livre blanc a été réalisé d’après une enquête auprès de 109 dirigeants d’entreprises françaises complétée par 22 entretiens menés avec des directeurs généraux, des directeurs des ressources humaines et des penseurs.